Organisateurs :
La Marche des Droits humains, Association ONU et le Centre Mandela.
Un panel composé de six experts danois en différents domaines légaux et culturels a examiné les questions suivantes sur la base de divers témoignages :
Pendant le Tribunal, des témoignages ont été présentés par des femmes et des enfants palestiniens, des avocats et des observateurs internationaux qui travaillent sur ces cas.
Pendant la préparation du Tribunal, de grands efforts ont été accomplis pour inviter l’un ou l’autre représentant officiel israélien pour leur permettre d’exposer leurs vues sur la base légale appliquée par Israël et les faits en rapport avec les thèmes du tribunal. Ces efforts incluent plusieurs invitations à l’ambassade d’Israël au Danemark et directement par divers canaux aux autorités israéliennes. Malheureusement sans aucun résultat. Le panel regrette de ne pas avoir entendu les points de vue officiels israéliens.
A la fin du tribunal, le panel a donné les réponses suivantes aux trois questions :
Re 1) Les autorités israéliennes remplissent-elles leurs obligations comme puissance occupante en rapport avec les femmes et les enfants palestiniens en captivité ?
La base légale de la 4e Convention de Genève de 1949.
Conformément à l’article 49, les transferts forcés d’individus ou de masse d’un territoire occupé vers le territoire de la puissance occupante sont interdits quelque en soit le motif. De plus, selon l’article 76, des personnes accusées de délits seront détenues en territoire occupé, et si elles sont condamnées elles y exécuteront la sentence.
Conformément à l’article 71, les condamnations devraient uniquement être prononcées par la Cour de justice compétente de la puissance occupante après un procès régulier. Les personnes qui sont poursuivies par la puissance occupante doivent être rapidement informées, par écrit des charges retenues contre elles, dans une langue qu’elles comprennent, et seront jugées aussi vite que possible.
Conformément à l’article 72, les personnes accusées ont le droit de présenter les arguments nécessaires à leur défense et peuvent, en particulier, appeler des témoins. Elles auront le droit d’être assistées par un conseil qualifié de leur choix, qui aura la possibilité de leur rendre visite librement et jouira des facilités nécessaires pour la préparation de la défense.
Conformément à l’article 27, les femmes seront spécialement protégées contre toute attaque à leur honneur ou toute forme d’attaque indécente. De plus, Israël comme puissance occupante, a une obligation d’observer la Déclaration mondiale des droits humain et les Conventions universelles des Droits humains qu’Israël a ratifiées. Les femmes ont droit à une protection spéciale, pendant la grossesse, l’accouchement et la maternité.
Israël réfute que la 4e Convention de Genève s’applique aux territoires occupés, mais le Conseil de sécurité de l’ONU et la communauté internationale, dans son ensemble, a indiqué clairement qu’elle est d’application. La Cour suprême israélienne a émis plusieurs jugements établissant que les règles humanitaires de la Convention s’appliquaient à Israël.
Faits et témoins
D’après le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés, il y a plus de 10.000 Palestiniens prisonniers dans les prisons israéliennes en 2007. 99% des détenus le sont en Israël, ce qui signifie qu’ils sont en dehors des territoires occupés. Parmi eux, 116 femmes et 380 enfants. D’après des témoins, 40% de la population palestinienne masculine a été en prison une fois ou plusieurs fois pendant les 40 dernières années d’occupation.
D’après des témoins, les cas se rapportant à des Palestiniens des territoires occupés sont traités par des tribunaux militaires israéliens. Quand ils sont arrêtés, souvent les détenus ne sont pas informés de la raison de leur détention. Une des témoins a été détenue 13 mois sans avoir été informée des charges pesant sur elle.
Les juges sont des autorités militaires, ce qui soulève la question de l’impartialité. Les procureurs officiels aussi sont des militaires. La langue utilisée pendant les séances de la cour est l’hébreu, qui est rarement comprise par l’accusé et dans beaucoup de cas pas non plus par leur avocat. On emploie des interprètes mais les témoins ont expliqué que la traduction était très insuffisante. Dans les cas de détention administrative, les documents du dossier sont tenus secrets à la fois pour l’accusé et pour l’avocat qui le défend. Dans les cas où des accusations sont formulées, la défense reçoit l’opportunité de copier les documents du dossier qui sont tous en hébreu. Si les documents doivent être traduits, ils doivent payer eux-mêmes la traduction.
Les témoins décrivent les séances du tribunal comme extrêmement sommaires. D’après un rapport écrit par l’organisation israélienne des droits humains Yesh Din, l’examen d’un tribunal relatif à une détention administrative dure en moyenne, de trois à quatre minutes
Les avocats qui ont témoigné au tribunal ont expliqué qu’aux séances de tribunal pour l’extension de la détention, on a demandé à l’accusé et à son avocat ou avocate de quitter la pièce pendant que la séance continuait en présence seulement du juge et du procureur.
En 2006, 9.123 cas ont été décidés par des cours militaires. Seulement 1,42% des cas ont été décidés par un procès intégral, y compris la production de preuves et une interrogation de témoins. Les autres ont été conclus par un accord entre le procureur et l’avocat pour revoir à la baisse les inculpations. C’est une sorte d’arrangement d’aveux dans lequel la personne concernée, connaissant d’avance la sentence, accepte d’avouer un délit criminel. Son conseil conseillera souvent à son client d’accepter l’arrangement car l’alternative est souvent des séances très longues avec un risque final d’une sentence plus grave. Les témoins soulignent que ces arrangements posent encore plus de questions quand il s’agit d’enfants, vu qu’ils sont plus enclins à avouer des choses qu’ils n’ont pas faites.
Plusieurs témoins ont parlé d’arbitraire en rapport avec la prolongation d’une détention, qui est souvent prolongée quand les détenus pensent qu’ils vont être relâchés. Laissés dans l’ignorance pendant de longues périodes sur les raisons de la suspicion et d’autres questions, ils vivent dans l’imprévisible, ce qui est dommageable en soi psychologiquement.
Des détenus avec avocats palestiniens rencontrent des difficultés pratiques en ce qui concerne le maintien d’un contact correct. Les détentions se déroulent dans des prisons en territoire israélien, dont l’entrée est interdite aux avocats en question.
Les témoins ont expliqué qu’on ne fournit pas aux femmes enceintes suffisamment de nourriture et de services de santé. De plus, il y a eu des cas où les femmes étaient menottées pendant leur accouchement.
Conclusion
Le panel est d’avis qu’Israël de remplit pas ses obligations sous la 4e Convention de Genève. Le panel a conclu qu’au-delà de tout doute raisonnable, Israël a commis des transgressions graves des dites règles de la Convention concernant la procédure à suivre.
Re 2) Les femmes et les enfants palestiniens sont-ils exposés à des traitements interdits par les conventions internationales et la Convention ONU contre la torture ?
La base légale est la Convention de l’ONU contre la torture et autre traitement ou punition cruelle, inhumaine ou dégradante, en particulier les articles 1, 2, et 16, qui ont été ratifiés par Israël.
1. Article 16 : « Chaque état partie prenante se chargera d’empêcher dans tout territoire sous sa juridiction d’autres actes de traitement ou de punition cruel, inhumain ou dégradant qui ne revient pas à torturer comme c’est défini dans l’article 1, quand de tels actes sont commis par ou à l’instigation de/ou avec le consentement d’une autorité publique…
Faits se rapportant à l’article 16, tels qu’ils sont décrits par les témoins
a) Conditions physiques
b) Le régime
II. Article 1 : définit la torture :
« Pour l’objectif de cette convention, la torture signifie tout acte par lequel des douleurs ou des souffrances, qu’elles soient physiques ou morales sont infligées intentionnellement à une personne dans le but d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des informations ou des aveux, le punissant pour un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est suspecté d’avoir commis, ou l’intimidant ou la contraignant, elle ou une tierce personne, ou pour toute raison basée sur toute forme de discrimination, quand de telles douleurs ou souffrances sont infligées par ou à l’instigation de ou avec le consentement ou l’assentiment d’une autorité officielle ou toute autre personne agissant à titre officiel… »
Article 2 : La torture n’est jamais autorisée:
Faits se rapportant aux articles 1 et 2 tels qu’ils ont été décrits par les témoins.
Les témoins décrivent tous que la torture telle qu’elle est définie dans l’article 1 est largement répandue et appliquée systématiquement en Israël pendant l’arrestation, la détention administrative, la détention provisoire et après la sentence.
Les témoins décrivent les méthodes de torture. Ces descriptions correspondent aux résultats d’une étude scientifique réalisée sur d’anciens prisonniers, soumise au Centre de réhabilitation de Ramallah.
La table indique des exemples de femmes et d’enfants et seulement certaines des méthodes de torture mentionnées :
méthodes de torture | ||
1. passages à tabac | ||
2. “secouer”[1] | ||
3. suspension | ||
5. ségrégation | ||
14. nudité forcée | ||
15. harcèlement sexuel et menaces de viol |
Les pourcentages sont les chiffres de l’étude. De plus l’étude montre que les hommes sont torturés plus fréquemment que les femmes, et que la torture est présente aussi bien avant qu’après le jugement de la Cour suprême de septembre 1999.
Commentaires :
L’Article 2. Israël maintient qu’il est justifié d’appliquer la torture dans certains cas et fait référence au concept de « la bombe amorcée » (The Ticking Bomb) et à la possibilité d’obtenir des informations pouvant sauver un certain nombre de personnes de la mort et du désastre au prix de la souffrance d’un seul individu. On doit y répondre que la torture est toujours interdite, et qu’il est avéré que des informations obtenues sous la torture ne sont pas fiables. La personne torturée avouera très simplement n’importe quoi. De plus, Israël a inventé des méthodes de torture nouvelles et plus raffinées.
Conclusion
Dans beaucoup de pays, la torture est pratiquée, généralement par la police, pour obtenir des informations ou des aveux. En Israël, cependant, la torture est aussi utilisée largement dans les prisons, où elle ne peut avoir d’autres buts que d’humilier et de miner la personnalité du prisonnier. Avec succès dans une grande proportion et elle affecte non seulement l’individu torturé, mais la famille toute entière. L’enfant dont les parents ont été torturés observe souvent que ses parents ont perdu leurs capacités parentales, parce que les personnes torturées perdent leur capacité d’agir avec empathie après la torture. Les parents souffrent soit qu’ils ont été eux-mêmes torturés ou qu’ils observent les résultats de la torture de leurs enfants. Comme 40% des hommes palestiniens ont été emprisonnés – et la plupart torturés – c’est toute la population qui est affectée. Beaucoup souffrent du stress de désordre post traumatique (PTSD), mais comme un des témoins en faisait la remarque, les prisonniers sont libérés d’une prison fermée dans une société qui est une prison ouverte. Et ainsi, ils souffrent non seulement de PTSD mais aussi de CTSD (stress du désordre traumatique continu).
Re 3) Israël respecte-t-il la Convention de l’ONU sur les Droits de l’enfant en ce qui concerne les enfants palestiniens emprisonnés ?
Conformément à l’article 1 de la Convention de l’ONU sur les Droits de l’Enfant, un enfant signifie chaque être humain sous l’âge de 18 ans.
L’Article 2 déclare que chaque état partie prenante respectera et assurera les droits établis dans la présente convention à chaque enfant à l’intérieur de sa juridiction sans discrimination d’aucune sorte.
Conformément à l’article 3, le meilleur intérêt de l’enfant doit être la première considération dans toutes les actions entreprises par des autorités publiques, y compris les tribunaux.
Les Articles 8 et 9 prescrivent l’unité de la famille et stipule que l’enfant ne devrait pas être séparé de sa famille.
L’Article 24 oblige l’état à assurer le standard de santé le plus élevé possible pour la santé de l’enfant avec un accès aux services de santé pour le traitement d’une maladie et la réhabilitation de sa santé.
Par l’Article 28, les états parties prenantes reconnaissent le droit des enfants à l’éducation.
Conformément à l’Article 37, aucun enfant ne sera soumis à la torture ou un autre traitement cruel, inhumain ou dégradant. L’arrestation et l’emprisonnement seront utilisés uniquement comme une mesure de dernier ressort et pendant le temps approprié le plus court possible. En particulier, chaque enfant privé de liberté sera séparé des adultes et aura le droit de maintenir le contact avec sa famille par la correspondance ou les visites. Chaque enfant privé de liberté aura droit à un accès rapide à une assistance légale et autre appropriée ainsi qu’au droit de contester la légalité de sa privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale.
Faits et témoins
Les autorités israéliennes considèrent comme enfant les Palestiniens de moins de 16 ans, alors que les Israéliens sont considérés comme enfant jusqu’à 18 ans. C’est aussi d’application pour les enfants des colons dans les territoires palestiniens occupés. De plus, les témoins rapportent que même des enfants de 13 ans sont emprisonnés. Un des témoins avait 15 ans quand il a été détenu.
Nous avons entendu de multiples exemples où le meilleur intérêt de l’enfant n’a pas été sauvegardé. Des témoins ont rapporté que les enfants israéliens qui sont enlevés à leur famille sont placés dans des institutions adéquates alors que les enfants palestiniens sont placé avec des adultes dans des prisons ordinaires. Les enfants sont enlevés de leur famille et on les empêche par tous les moyens possibles de garder le contact avec leur famille. La séparation est maintenue administrativement pendant de longues périodes.
L’offre d’examens et de traitements physique est insuffisante et retardée, et l’entourage physique provoque des maladies et est généralement destructeur pour la santé. Comme exemples de maladies consécutives aux mauvais traitements, les témoins citent des maladies de la peau, des infections et de l’anémie pour tous les groupes de prisonniers. De plus, ils soulignent le manque d’opportunité de traitement.
Une des témoins décrit qu’elle n’a pas pu jouir du droit d’éducation pendant les six ans de son emprisonnement. Elle a été emprisonnée quand elle avait 15 ans.
Il y a eu des témoignages répétés sur même des enfants soumis à la torture et à d’autres traitements dégradants.
Les témoins ont aussi parlé de détention massive, sans que les autorités aient d’abord essayé des mesures moins agressive et sans justification bien documentée pour le sérieux de leur action.
Les enfants ont exactement les mêmes difficultés que les détenus adultes pour maintenir le contact avec leur avocat comme déclaré plus haut sous (1).
Conclusion
C’est l’avis du panel qu’Israël ne respecte pas ses obligations par rapport à la Convention de l’ONU sur les Droits de l’enfant en ce qui concerne la détention et l’emprisonnement d’enfants palestiniens.
Copenhague, le 27 janvier 2008
Panel