Novebre 2006
Un rapport de l'avocate Tamar Peleg de "HaMoked: Le Centre pour la Défense de l'Individu":
Les forces de sécurité israéliennes ont arrêté Amani Jaghameh avant l'aube du vendredi le 13 octobre 2006 dans le village de Ein Yabroud, où elle et ses quatre enfants ont visité sa famille la dernière fin de semaine de Ramadan.
Elle fut emmenée à un centre d'interrogatoire du Service de Sécurité Général (GSS), et y a été détenue incommunicado jusqu'au 7 novembre 2006.
Lors de sa comparution devant des juges, le 19 et le 25 octobre, elle a dit qu'elle a été privée de sommeil et a été forcée à être assise enchaînée à une chaise pendant trois jours. Elle a aussi dit qu'elle a fait une grève de la faim pendant six jours, et qu'elle a été interrogée au sujet de son mari.
Comme elle a été détenue incommunicado, sans le droit de voir un avocat, notre seule source d'information (voir les détails ci-dessous) sont les briefings de la session au tribunal.
Nous croyons qu'Amani fut arrêtée avec le but d'obtenir de l'information concernant son mari qui a été recherché pendant des années.
Amani est une femme intelligente, indépendante, énergique et courageuse, avec un sens d'humour, de l'intégrité et de l'initiative. Elle est bien capable de faire face à la tâche d'élever et pourvoir pour ses quatre enfants, bien qu'elle soit seule à le faire.
Détails Personnels
Amani M. L. Jaghameh, née aus Etats Unis, le 6 janvier 1974
Passport no. 700566057, ID no.410426654
Résidant à Ramallah
Son mari:: Maher Oudeh, recherché par le GSS israélien.
Enfants:
Mohammad, né à Ramallah le 18 avril 2000
Bisan, née à Ein Yabroud le 31 mars 1996
Anas, né à El Bireh le 6 mars 1993
Enas, née à Ein Yabroud le 29 août 1991
L'Arrestation
Témoignage des membres de famille, témoins oculaires de l'arrestation, et le témoignage d'Amani devant un juge, le 24 octobre 2006.
Ils sont venus avant l'aube pour l'arrêter au village de Ein Yabroud. C'était un vendredi, le jour avant le dernier jour du Ramadan. Elle était venue pour passer cette journée avec sa famille. Ils ont fouillé la maison entière. Comme ils n'ont rien trouvé, ils ont emmené chaque enfant séparément à un appartement vide à proximité pour l'interroger au sujet de son père: Quand et où ils l'ont vu la dernière fois. Les enfants n'ont pas pu se souvenir, il y a tellement long temps de cela. Ils voulaient - ou ont prétendu qu'ils voulaient – arrêter sa fille de 15 ans. Amani s'y est opposée et a été battue par les soldats.
Détention Incommunicado
Dimanche, le 15 octobre 2006. HaMoked a trouvé Amani à “Mosqobiye” – le centre de détention de la police de Jérusalem où se trouve aussi le centre d'interrogatoire du GSS. Le lundi nous y étions, espérant sans espoir de la rencontrer. Le policier au guichet nous a transmis la lettre suivante:
ÉTAT D'ISRAËL
SERVICE DE SÉCURITÉ GÉNÉRAL
NON CLASSIFIÉ
Date: 13/10/2006
À: La Police Israélienne / l'Unité d'Investigation de Yehuda
Concernant:: Prohibition de Rencontre Détenue – Avocat
Nom de la Détenue: Amani Mohammed Mohammed Jaghameh
Nombre d'Identité: 410426654
Shalom,
Etant autorisé comme Chef de l'Interrogatoire concernant l'Ordre des Régulations de Sécurité (Judéa et Samaria) (N 378) – 1970, Article 78 C (C) (1) , et ayant considéré les circonstances, j'ordonne par la présente de ne pas permettre la rencontre de la détenue mentionnée avec un avocat pendant la durée de sept jours, commençant le 13 octobre 2006 a 08.00. Ceci est dû au fait que je considère cette nécessité pour les raisons suivantes.
1. La sécurité de la région.
2. Le bénéfice de l'interrogatoire.
Termine le 19 octobre 2006 à 23:59.
Merci et salutations Yaron
Signature du chef de l'interrogatoire - chef de l'équipe de l'interrogatoire.
( - )
Surnommé Yaron
Chef de l'équipe de l'interrogatoire - Ramallah
Depuis cette date, cinq lettres similaires, prolongeant la prohibition, nous ont été transmises. La plus récente prolongation arrive à terme le 11 novembre 2006 à 23:59.
A cette date, Amani aura été détenue incommunicado pendant 30 jours – la période maximum que le GSS est autorisé à ordonner. Une prolongation additionnelle requiert l'assentiment d'un juge militaire.
Sessions au Tribunal
Jusqu'à présent, six sessions au tribunal ont pris place. Amani a comparu trois fois devant des "juges militaires", suivant des demandes du GSS de prolonger sa détention. Ces juges sont appelés familièrement "juges de détention" parce qu'ils sont autorisés à prolonger les détentions suivant les requêtes du GSS. Dans les trois cas, les juges ont agrée. Nous avons, à deux reprises, recouru en appel contre les prolongations devant la Cour Militaire d'Appel à Ofer. Dans le deuxième appel nous avons déclaré que la décision du juge était nulle et non avenue, étant donné qu'Amani n'avait pas été représentée: Le GSS/la police s'est délibérément abstenu/e de nous informer que l'audition allait prendre place. Lors de l'appel, ils ont présenté une déclaration qui s'est avérée être fausse. La seule décision favorable pour nous, parmi les six que nous avons reçues jusqu'à présent, était à propos de ce point. La pétition à la Haute Cour de Justice (HCJ) était contre la détention incommunicado. La HCJ a rejeté notre requête de l'annuler et de permettre à Amani de rencontrer ses avocats.
La revendication principale que nous avons, à plusieurs reprises, présentée aux juges de toutes les instances insistait que l'arrestation d'Amani, les méthodes rigides d'interrogatoire qui lui ont été imposées et la détention incommunicado étaient illégales, puisque leur objet principal, ou même leur seul objet, était l'arrestation de son mari. D'autre part, nous avons réitéré que la longueur de la détention incommunicado et les méthodes d'interrogatoire étaient manifestement disproportionnées, considérant le cas. Ceci a aussi prouvé notre premier point, c'est à dire que le cible n'était pas elle, mais son mari. Nous avons aussi insisté sur le fait que – son mari ayant quitté le foyer il y a des années pour se cacher – elle était le seul parent et la seule personne à prendre soin de ses quatre enfants. Elle ne les exposerait pas à des dangers, en s'engageant dans des activités illégales.
En général, les "juges de détention" sont présents dans les prisons où les personnes interrogées sont détenues. Dans le cas d'Amani, il s'agissait de "Mosqobiyeh", l'ancien "Russian Compound", dont le nom officiel est "La Facilité de Détention de Jérusalem". Un juge militaire, en général un militaire des Réserves avec le rang de capitaine, commandant ou colonel, se trouve à Mosqobiyeh deux fois par semaine, les lundis et jeudis. La salle du tribunal est située à l'intérieur de la prison. Pour l'atteindre on doit suivre de longs corridors sinueux, sous des plafonds bas, entre des cellules barrées où sont détenus des hommes qu'on essaie désespérément de ne pas voir.
Tous les juges d'Amani ont suivi le trajectoire habituel: Ils ont prolongé la détention, quoique non pas pour 19 jours, mais "seulement" pour 11 Ils ont tous insisté que la détention était nécessaire et justifiée, basée sur des soupçons, et "non seulement par rapport à son mari". Le HCJ était du même avis. Il a consciencieusement déclaré qu'Amani "fut interrogée sur la base de soupçons par rapport à son implication dans des activités, rendant des services à Hamas et, inter alia, aidant son mari qui est un ancien membre de l'aile militaire de Hamas, et qui est, depuis longtemps, recherché par les forces de sécurité". Dans leurs décisions tous les juges on mentionné le mari, ce qui renforce notre opinion qu'il joue le rôle principal dans la détention d'Amani.
Les juges n'ont pas examiné les méthodes d'interrogatoire..
Les Témoigages d'Amani devant les Juges
Amani ne fut pas autorisée de nous rencontrer, ses avocats, pas même pendant les sessions judiciaires. Elle et nous avons comparus séparément devant les juges. Il faut indiquer qu'elle n'a pas été emmenée au HCJ du tout, suivant une déclaration par le GSS prétendant que ceci contrecarrerait le processus de l'interrogatoire.
Le 19 octobre 2006, quand Amani a comparu devant le Juge de Détention Militaire, Colonel Shalom Dahan, elle a porté de grandes lunettes foncées qui l'ont empêchée de voir. Pourtant, nous avons pu la voir et nous lui avons donné a comprendre que nous étions présents en faisant des bruits. Elle était très mince, pâle et avait l'air épuisée.
D'après le protocole, elle a dit le suivant:
"La période (de détention) est trop longue. J'ai espéré que la prolongation serait moins longue. Je voudrais partir (à la maison) aujourd'hui, avant demain.
Ils m'ont interrogée pendant sept jours. Tout le monde désire rentrer. J'ai fait une grève de la faim pendant six jours parce que c'est comme un cauchemar pour moi. Chaque demie heure ils viennent et frappent à ma porte."
Le 24 octobre 2006, devant le Juge Militaire d'Appels, le Lieutenant-Colonel Moshé Tirosh:
“Mon cas a une relation avec quelque chose qui s'est passé en 2003. Ils ne font que clarifier avec moi certaines choses, afin qu'elles soient compréhensibles Dans le passé mon dossier est resté ouvert. Ils m'ont arrêtée parce que mon mari est recherché. C'est pour cela que je suis détenue ici.
Je suis détenue depuis le 13 octobre 2006. Pendant ma détention j'ai fait une grève de la faim; je n'ai pas mangé pendant six jours.
Le jour de mon arrestation, cinq soldats m'ont frappée: cela a laissé des traces sur mon corps, et il y a des documents médicaux qui prouvent ce que je dis. Ils m'ont interrogée, et ils m'ont dit qu'il y avait beaucoup de soupçons contre moi, et qu'il fallait m'inculper et que je devais confesser. J'ai tout nié, et j'ai dit que ça ne s'est jamais passé. Ils m'ont enchaînée à une chaise pour la durée de trois jours, ont dit qu'il y avait des soupçons que j'avais aidé mon mari, qu'il était recherché et que je recevais de lui certaines choses. Mais ces choses m'appartiennent, parce qu'il est mon mari.. [Ils ont mentionné] beaucoup de soupçons par rapport à des gens que je ne connais pas du tout, je ne connais même pas leurs noms.
Ils ont interrogé mes enfants, bien qu'ils soient petits. Ils les ont questionnés au sujet de mon mari. Et je l'ai aidé seulement parce qu'il est mon mari. Je l'ai vu dans la maison et je lui ai parlé, rien d'autre. . J'ai quatre enfants âgés de 6, 10,13 et 15 ans. J'ai pensé qu'ils voulaient arrêter ma fille qui a 15 ans. Je m'y suis opposée, et alors ils m'ont battue.
Durant 13 jours de détention, ils ne m'ont interrogée que deux fois. La première fois, neuf interrogateurs m'ont interrogée pendant trois jours. Je n'ai pas dormi du tout. Ils ont fait la relève. Et puis il m'ont laissée seule pendant 20 heures, afin que je puisse me reposer et dormir. Et puis trois interrogateurs ont commencé la seconde (session d') interrogation qui a duré environ trois jours.
Le 26 octobre 2006, quand Amani a comparu une autre fois devant un juge, le Colonel Dov Gilboa, nous n'étions pas présents, et le juge a accepté l'affirmation du sergent de Police déclarant que nous avions été informés sur cette session. Amani n'a pas été représentée. Elle a dit: "Je n'ai rien à dire."
Comme nous avons mentionné ci-dessus, elle n'a pas été emmenée à la session d'appel ou au HCJ.
Le 2 novembre 2006, elle a vu un autre juge, le Capitaine Azriel Levy (séparément de son avocat qui a été présent au tribunal). Tous ce qu'elle a dit était:
“J'ai quatre enfants âgés de 6, 10, 13 et 15 ans. Ma mère s'en occupa. Mon cas est prêt. Je ne comprends pas pourquoi ils ont besoin de 10 jours en plus. Je vous prie d'envoyer mes salutations à mon avocat.
Les juges n'ont montré aucun intérêt en ce qui concerne les méthodes d'interrogatoire, mentionnées par Amani, bien qu'elles soient incompatibles avec la décision du HCJ de 1999, qui a déclaré que la privation de sommeil et le "shabeh" sont illégaux.
Amani Jaghameh fut mise en liberté le 23 novembre 2006.